Lyrics:

Bonjour Christine Colonna
Bonjour

Le préfet Claude Erignac a été assassiné, le 6 février 1998 à Ajaccio, votre frère Yvan Colonna a été condamné à perpétuité pour ce meurtre en décembre 2007, et il est à nouveau jugé en appel donc, depuis le 9 février dernier, par la Cour d'Assises Spéciale de Paris.Vous assistez, bien sûr, à chaque audience de ce procès, Christine Colonna, depuis son début ; vous y serez jusqu'à la fin, prévue pour la fin mars, donc c'est un très long procès. Quelle est votre opinion 3 semaines après le début du procès, Christine Colonna ?
Ecoutez, le moins qu'on puisse dire, c'est que les audiences se déroulent sous tension. C'est vrai que nous, nous avons abordé ce procès avec la précédente condamnation à perpétuité qui nous a passablement traumatisée ; et nous abordons ce nouveau procès avec beaucoup d'inquiétude.

D'inquiétude à propos de quoi ?
Et bien, on voit bien comment se déroule ce procès. Je crois que si en première instance, il y avait toutes les apparences, je dis bien les apparences d'un procès équitable, cette fois-ci, en revanche, les masques tombent et on voit bien que la Cour a décidé de tracer jusqu'au même type de condamnation, sans autre forme de procès, je dirais.

Vous doutez de la partialité du président Didier Wacogne, c'est ça ?
Du président et de la Cour elle-même. Je pense que la nature même de ce genre de juridiction ... - il faut savoir que c'est quand même une Cour d'Assises Spéciale qui est nommée par le premier président de la Cour d'Appel, lui-même nommé par le Président de la République par décret- donc, je veux dire, il y a une espèce de verticalité de la nomination qui fait que de notre point de vue (et puis, ça se démontre très facilement et ça se voit au cours de ce procès) est sous influence, incontestablement.

Évidemment, donc, si la confiance n'est pas là dans ce jugement, qu'est-ce qui vous permet de penser que vous obtiendrez l'issue que vous souhaitez, c'est-à-dire l'acquittement de votre frère ? La condamnation, à vous entendre ce matin sur RTL, Christine Colonna, est déjà acquise alors ?
C'est-à-dire que vous savez, nous ça fait dix ans qu'on se bat contre cette institution, contre une espèce de machine de guerre qui broie, qui broie tout sur son passage et qui ne respecte pas ... qui ne respecte pas les moindres... disons les procédures telles qu'elles devraient l'être, les droits de la défense aussi et les droits de l'accusé, de mon frère. Je pense qu'on a essayé de faire souvent la démonstration que pendant l'instruction, il y avait eu des manquements flagrants aux droits de la Défense et à ses droits. Je prendrai pour exemple, le fait que quelque soient les explications qu'il donne, quelque soient les réponses qu'il donne au juge instructeur, au magistrat instructeur, on écartait toujours d'un revers de la main, ses arguments pour ne retenir que les éléments à charge.Alors, équitable ? Ca veut dire à charge et à décharge, ce sont des formules qui, aujourd'hui, se vident un peu de leur sens parce qu'on ne sait plus très bien ce que ça veut dire. Instruire à charge et à décharge et juger à charge et à décharge, ça suppose de respecter certaines règles. Et à l'heure actuelle, ce n'est pas du tout le cas.

Vous avez le sentiment, Christine Colonna, que depuis 10 ans, la Justice française ne vous a pas écoutés, ne vous a pas entendus ?
Ne nous a pas entendus et ne veut pas nous entendre. Je veux dire là : il y a deux exemples flagrants encore : c'est le fait que le président ne transmette pas des pièces importantes du dossier à la Défense. Ce ne sont pas des pièces qui sont anodines. Il y a un certificat médical d'un policier qui soi-disant en dépression refuse de venir à l'audience. C'est le pivot de l'enquête. C'est celui qui a dirigé les gardes à vue de 99 au cours desquelles, justement, le nom de mon frère a été prononcé. Ce policier est absent. Il y a d'autres policiers qui ont été absents à l'audience précédente pour des motifs qui n'ont pas été vérifiés. Je vous rappelle qu'on n'a pas eu de reconstitution. On n'a pas eu droit à ...

Vous allez en demander une aujourd'hui, de reconstitution, je crois ?
Voilà. Les avocats de mon frère vont déposer une demande en ce sens.

Vous êtes convaincue depuis 10 ans de l'innocence de votre frère ? Ou vous avez douté ?
Ah oui, absolument. Absolument.

Ce qui a installé l'idée de la culpabilité de votre frère, très profondément dans l'opinion publique, c'est sa cavale. 1999 - 2003, il s'est soustrait à la Justice, il s'est échappé, il s'est caché. Il a eu tort ?
Il a eu tort. Il faut que je vous explique, d'abord, comment ça se passe parce que les gardes à vue du commando commencent un certain jour de mai 99 ; et mon frère, si vous voulez, à ce début des gardes à vue, il continue à vivre normalement. Je crois que s'il avait été coupable, il se serait enfui, entre guillemets, aussitôt les gardes à vue commencées. Or, il continue à vivre normalement sa vie de berger tout simple. Et ce qui le décide à partir, à prendre du recul comme il a dit, c'est en fait la UNE de France Soir qui placarde un grand portrait de lui avec 'Wanted ... assassin de préfet ou tueur de préfet', je ne me rappelle plus.

C'est quoi, l'impression que de toutes les façons, il ne se fera pas entendre ? Qu'il est déjà condamné par avance ?
Qu'il est déjà ...Que quelque chose d'anormal se passe ... et puis, ça s'est confirmé les mois et les années qui ont suivi. Je voudrais insister sur ce point : c'est le fait que Jean Pierre Chevènement d'abord, Jean Pierre Dintilhac ensuite, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et ensuite, Président de la République, ont très clairement considéré que c'était lui l'assassin et que voilà, quand des personnes à ce niveau-là de l'Etat décident avant même qu'il y ait un procès, une instruction ouverte que c'est l'assassin, on peut douter de l'indépendance des juges qui auront à le juger.

Vous êtes élue à l'assemblée de Corse, Christine Colonna ...
Oui.

... Vous vous définissez comme une élue nationaliste dans cette assemblée. Par rapport au combat qui est le vôtre aujourd'hui, que représente pour vous le crime du Préfet Claude Erignac ?
Ecoutez, moi je milite depuis longtemps au sein de la mouvance nationaliste, et mon engagement à ce stade, c'est de vraiment essayer de sortir de l'impasse politique dans laquelle se trouve la Corse.

Ce crime est un crime pour vous ? Le crime du préfet Claude Erignac.
Oui, c'est un crime ; évidemment que c'est un crime.

Et il faut que les coupables soient sanctionnés ?
Ils l'ont étés. Ils l'ont étés. Ils ont été condamnés à perpétuité à 30 ans. Entre 20 et perpétuité, je pense ...

On ne sait pas QUI a tué le Préfet Erignac aujourd'hui ?
On ne sait pas. Quelqu'un s'est accusé de ce crime. Quelqu'un s'est accusé d'avoir tiré sur le préfet. Donc, je veux dire, l'histoire en même temps est d'une certaine manière très claire ; et en même temps, l'enquête n'est pas terminée puisque s'est révélé à l'audience, là récemment, que des suspects seraient peut-être toujours dans la nature. L'enquête a été baclée. L'enquête a été faite n'importe comment. Il y avait à l'époque la guerre des polices, des enquêtes parallèles, des services de police concurrents qui se faisaient la guerre carrément et la Justice ne peut pas être rendue de façon sereine dans ces conditions.

La femme et les enfants de Claude Erignac réclament justice et on comprend leur souffrance. Pour ce qui vous concerne, Christine Colonna, votre mari a trouvé la mort en Corse dans le combat nationaliste ; et puis votre frère risque la prison à perpétuité. Votre idéal politique mérite autant de souffrances ?

On ne pense pas collectivement avoir suscité ce genre de sacrifices. Je pense que l'important, maintenant, c'est la sortie de crise de façon générale pour qu'on transmette quelque chose de positif à nos enfants.

Christine Colonna qui s'exprime rarement sur les ondes, était ce matin l'invitée d'RTL. Bonne journée.