Lyrics:

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Dominique Erignac.

Dominique Erignac : Bonjour monsieur.

La cour d'Assises Spéciale de Paris va commencer ce lundi l'examen de l'appel formé par Yvan Colonna qui a été condamné fin 2007 à la prison à perpétuité pour le meurtre de Claude Erignac, votre mari, assassiné le 6 février 1998 à Ajaccio, en Corse. Il exerçait alors les fonctions de préfet de région. Qu'attendez-vous de ce procès, Dominique Erignac ?

Eh bien, j'attends la vérité. Les enfants et moi nous attendons qu'Yvan Colonna nous dise qu'il a assassiné mon mari. Je trouve qu'on parle toujours de l'honneur corse, un aveu fait partie de cet honneur.

L'honneur, ce serait d'avouer. Mais pour l'instant, à l'ouverture de ce procès, Yvan Colonna dit toujours qu'il est innocent. Ceci n'amène pas chez vous des interrogations ?

Non. Non. Pas du tout. Parce que justement j'ai trouvé dans le dossier des faits et puis, le commandant a lui-même impliqué Yvan Colonna, l'a toujours cité dans les auditions, dans le procès du commando, il y a X années ; donc tout ça fait que je n'ai pas de doute. Non, je n'ai aucun doute.

Le premier procès que vous avez vécu, donc, c'était à la fin de 2007, vous allez d'une certaine façon le revivre. Yvan Colonna, tel que vous l'avez vu la première fois, vous pensez que dans ce deuxième procès, il peut être assez différent et peut-être donc aller vers ce que vous souhaitez, c'est-à-dire l'aveu ? Il y a des choses que vous avez vues de lui lors de ce premier procès qui peuvent vous laisser penser...

Ah non, je n'irai pas à dire ce qu'il pense parce qu'il est le seul à le savoir. Donc, moi je peux qu'espérer et voilà... qu'il dise la vérité pour mes enfants et moi-même et mon mari.

Vous aviez noté lors du premier procès que les épouses des différents accusés s'étaient avancées vers la barre en parlant, selon vous, d'une manière particulière. Vous disiez : je ne sais pas pourquoi ces femmes-là étaient aussi contraintes. Vous aviez dit ça dans une interview. Quel sentiment vous aviez retiré en écoutant ces femmes-là qui venaient parler des hommes qui étaient leur famille, mais qui étaient des accusés ?

Si vous vous mettez à la place, c'est compliqué parce que quelquefois, en écoutant le procès, on avait une certitude qu'elles avaient menti, elles avaient été l'objet peut-être de pressions, donc elles n'étaient pas libres de dire ce qu'elles voulaient. C'est vraiment ce que j'ai ressenti.

C'est ce que vous aviez ressenti ?

Oui, tout à fait.

Qu'elles n'étaient pas libres et tenues par un pacte, quelque chose qui faisait qu'elles ne disaient pas la vérité à l'audience ?

Oui... Qu'elles ne disaient pas la vérité, qu'elles n'étaient pas libres, voilà, c'est ça. C'est ça que j'ai ressenti.

Et donc là, au deuxième procès, le temps ayant passé, peut-être que - c'est votre espoir - les choses soient différentes cette fois ?

Oui j'espère, comme je vous le disais tout à l'heure, que Yvan Colonna allait dire la vérité et peut-être donner un sens à la mort de mon mari aussi parce que c'est quand même une mort absurde. Même eux l'ont reconnu au dernier procès. Alors, vous savez...

Une mort qui n'a pas de sens ?

Une mort qui n'a pas de sens, une mort... Tout ça c'est difficile pour mes enfants et moi, on est... Et puis la mort, c'est quelque chose qui ne revient jamais. Donc, on est obligé de vivre avec : l'absence et sans vérité.

Et donc, c'est cette vérité que vous souhaitez à l'issue de ce deuxième procès ?

Oui. Oui. Voilà. Ca donnera un sens à recommencer tout.

Un communiqué de soutien s'est constitué autour d'Yvan Colonna ; et le chanteur Yves Duteil écrivant une lettre à ce comité de soutien, disait notamment : 'Ma soif de vérité n'est pas étanchée par le procès qui a eu lieu ; pour moi, le doute doit profiter à l'accusé'.

Pour moi, il n'y a pas de doute. Monsieur Duteil a peut-être des doutes, mais il n'était pas à ce procès. Il a vu ça de loin, dans la presse. Vous savez, on entend tellement de choses que quelquefois ça vous surprend.

Les faits se sont produits il y a onze ans. Il reste dans la mémoire collective quelque chose de la mort de votre mari. Est-ce que des gens vous manifestent toujours une sympathie, il était préfet, mort en exercice ?

Toujours. Et puis on a une association qui est très vivante 'l'association Claude Erignac' qui est aussi une manifestation à la mémoire de mon mari. On a aussi avec cette association créer un prix scolaire parce que ça donnait justement un sens à la mort de mon mari pour expliquer, pour montrer que tout cela était injuste. Il en sort des choses très intéressantes et ils sont passionnés par ça ; et moi quand je vais remettre ce prix, c'est très satisfaisant parce qu'ils sont là à nous dire qu'ils ont pensé à autre chose, qu'ils ont réfléchi sur des choses importantes de la vie auxquelles ils n'auraient jamais pensé et que ça leur apporte beaucoup. Donc, moi ca fait un petit peu de baume sur le cœur. Voilà.

Du réconfort ?

Du réconfort.

Ce sont des lycéens qui participent à ce concours, c'est ça ? Le procès donc en appel sera audiencé du 9 février au 13 mars.

Oui.

C'est long, cinq semaines ?

Oui, c'est très long.

Vous vous y êtes préparée comment ?

On s'y prépare, vous savez... Avec mes enfants, on essaie de ne pas trop penser, voilà.

C'est une épreuve ?

C'est une épreuve à laquelle on ne cesse de penser parce que moralement, c'est difficile. D'abord, il faut tout recommencer. Donc c'est difficile de comprendre pourquoi il faut tout recommencer. Et puis, même physiquement, c'est très éprouvant aussi. Donc, on n'a pas tellement envie mais on y va parce que nous défendons la mémoire pour mes enfants de leur père et moi, de mon mari et de cette mort injuste en fait.

Merci Dominique Erignac d'avoir accepté de témoigner pour RTL. Bonne journée.

Auteur : Jean-Michel Aphatie