J'ai visité l'Sil noir du singe Et j'ai retrouvé les chemins Les greniers, l'odeur des vieux linges Les animaux à quatre mains L'homme avant l'homme, avant la Terre Avant la nuit de notre temps Et la lèpre fourbe des guerres Avant ce siècle sans printemps L'Sil du singe est vaste et terrible Envahi de chemins mouvants De règnes incompréhensibles D'oiseaux morts piégés par le vent De troupeaux d'éléphants fossiles D'anthracite en forme d'oiseaux Et de calmes ptérodactyles Planant seuls au-dessus des eaux Le singe traîne encore le rêve De la fougère des géants Quand sa paupière se soulève Sur le gouffre d'un Sil béant J'ai visité cet Sil sans ombre Vallées bleues qu'envahit le froid Forêts de cristaux durs et sombres Où règnent l'eau morte et l'effroi L'Sil du singe est large et stupide Aussi triste que l'Sil humain Il reflète des mondes vides Où vivra l'homme de demain Quand les fleurs du charbon sont mortes Sur l'étang aux crapauds hurlants Au loin résonnait la voix forte Des reptiles phosphorescents Les abcès gonflés du pétrole Ont laissé filtrer leur sang noir Sous les sables en poches molles CSur pourri du dernier espoir Le singe a vu les hommes naître Insensiblement les yeux morts Et puis lentement se repaître Des animaux aux larmes d'or L'Sil du singe ouvert sur l'abîme Verra l'homme carbonisé Sur des montagnes de victimes Juste à l'instant d'agoniser