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Histoire du mois…
Dans notre rubrique Histoire du mois, nous
revenons sur un épisode marquant de l’histoire
de France, qui a eu lieu au cours du mois
correspondant à celui de notre programme
audio. Ce mois-ci, ce sera le 25 octobre 1836…
Et vous allez bientôt savoir pourquoi. Fanny,
sais-tu quel est le monument le plus ancien de Paris ?
Tu veux parler de l’abbaye de Saint-Germaindes-Prés ?
Non, non, elle ne date que du VIe siècle. Mon
monument est bien plus ancien que ça…
Les arènes de Lutèce ?
Pas mal… C’est vrai que ce vestige de l’époque
gallo-romaine, comme les thermes de Cluny,
situés tous les deux dans le Quartier latin, a
2 000 ans. Mais non, il ne s’agit ni de l’un ni de l’autre…
Ah… Alors je ne sais pas…
Il s’agit de l’obélisque de la place de la Concorde
qui est l’un des monuments les plus emblématiques
de Paris. Et le plus ancien donc puisqu’il
date du XIIIe siècle avant Jésus-Christ. Il a donc
3 500 ans ! Bien sûr, il n’a pas été construit à
Paris, mais sous le règne de Ramsès II, le célèbre
pharaon. Il ornait le temple de Louxor, considéré
comme le plus ancien lieu de culte du monde.
Mais comment cet obélisque est-il arrivé à
Paris ? Et en quelles circonstances ?
Remontons un peu dans le temps. Entre 1798
et 1801. Bonaparte, qui n’est encore que général,
mène une campagne de conquête militaire en
Égypte. L’objectif de cette campagne est à la fois
militaire et stratégique. Il s’agit en effet de contrôler
la Méditerranée en prenant l’Égypte et de porter
un coup fatal aux ambitions commerciales de
l’ennemi britannique en lui coupant la route des
Indes. Mais cette expédition vise aussi à explorer
l’Égypte que l’on considère alors comme le
« berceau des civilisations ». La fascination pour
l’Orient est alors très grande et les thèmes issus
de la culture arabe se retrouvent souvent dans
les oeuvres de peintres comme Delacroix, Ingres,
Chassériau et bien d’autres encore. L’orientalisme
est le mouvement artistique et culturel
dominant au moment où Bonaparte s’engage
dans la campagne d’Égypte.
L’obélisque est une prise de guerre si je comprends bien…
Ça aurait pu être le cas, mais en fait c’est un
cadeau. Un cadeau que le vice-roi d’Égypte
Méhémet Ali fait à Louis-Philipe en 1830. On
est donc une trentaine d’années après la fin
de cette campagne d’Égypte qui a permis à
Bonaparte d’accéder au pouvoir puis d’être
couronné empereur en 1804. On connaît la
suite : l’Empire, les campagnes victorieuses et
les batailles perdues, la mort en exil en 1821 sur
l’île de Sainte-Hélène. Quant à Louis-Philippe,
il vient d’entamer son règne.
Mais pourquoi Méhémet Ali a-t-il fait le cadeau
de cet obélisque au roi de France ?
Il le fait en hommage à l’égyptologue français
Jean-François Champollion qui a été le premier
à percer le mystère de l’écriture des anciens
Égyptiens – les hiéroglyphes. C’était en
1822. Une découverte capitale pour la culture
égyptienne.
Et de quelle manière s’est effectué le transport
de la colonne du temple de Louxor d’Égypte en
France ? Ça n’a pas dû être facile.
Ah, ça a bien sûr été toute une aventure !
Et d’abord quelques chiffres pour comprendre
l’ampleur de la tâche… La colonne fait 23 mètres
de haut et elle pèse 230 tonnes. Elle est donc un
passager légèrement encombrant et difficile à
manipuler. Pour la transporter, il faudra d’abord
construire un navire spécial capable de la contenir.
À noter que les mâts de ce bateau long de
43 mètres peuvent s’abaisser pour passer sous
les ponts de Paris. Ce trois-mâts est baptisé le
« Luxor ». Il part de Toulon où il a été construit le
15 avril 1831, soit cinq ans avant que la colonne
ne soit installée sur la place de la Concorde. La
descente de la colonne ne sera pas non plus une
mince affaire. Elle est placée dans un coffrage
en bois avant d’être lentement abaissée au sol.
Une centaine d’hommes est nécessaire pour
mener à bien cette opération qui s’effectue à
l’aide de cordages. Il faut ensuite faire parcourir
les 400 mètres qui séparent le Temple du
Nil. Cette entreprise est possible grâce à une
sorte de « glissoir » qui permet d’acheminer
la colonne jusqu’au navire. Le Luxor arrive à
Paris le 23 décembre 1833 après un voyage de
plusieurs mois au cours duquel il a fait escale
à Rhodes, Toulon, Gibraltar, Cherbourg, Le
Havre, et Rouen. Précision étonnante, quand la
colonne arrive à Paris, on ne sait toujours pas si
on va la placer aux Invalides ou à la Concorde.
Finalement, c’est Louis-Philippe qui tranche.
Et c’est donc le 25 octobre 1836 que l’obélisque
du temple de Louxor est érigé à l’emplacement
d’une statue de Louis XVI qui a été détruite
en 1830. La colonne s’élève lentement devant
200 000 Parisiens qui assistent bouche bée à
l’évènement. En 1998, l’obélisque est coiffé d’un
ornement en forme de pyramide de 3 mètres
60 recouvert de feuilles d’or. Ce « pyramidion »
couronnait les obélisques égyptiens à l’origine.
Enfin, en 2011, le ministre de la Culture Frédéric
Mitterrand annonçait que l’obélisque serait
rendu à l’Égypte. Mais pour l’instant, il continue
à pointer son sommet étincelant vers le ciel parisien.